Message : pour une société inclusive, mon engagement aux élections fédérales

22 août 2023

À l'approche des élections fédérales, je tiens à vous adresser un message important concernant ma candidature pour le Conseil national. En tant que candidat sourd au Conseil national, je suis conscient que ma présence pourrait susciter des questions parmi les électrices et électeurs de Berne. Mon parcours ne comporte pas d'expérience au niveau communal ni au Grand Conseil, ce qui peut sembler surprenant dans le contexte politique actuel. Je tiens à vous expliquer les raisons qui m'ont incité à me présenter et à vous donner un aperçu de mon profil.

Originaire de Fribourg et né à Lausanne, j'ai passé mes huit premières années dans cette ville. Cependant, en raison de ma surdité, mon parcours scolaire a été ponctué de défis, en particulier en raison du manque d'adaptation des établissements pour les enfants sourds. Après notre déménagement à Marly, j'ai intégré une école spécialisée pour les enfants sourds, mais cette approche ne s'est pas avérée idéale non plus. À l'adolescence, j'ai pris conscience du fossé entre mon niveau d'éducation et celui des élèves ordinaires. C'est à ce moment-là que j'ai ressenti le besoin de rejoindre une classe régulière pour combler ces lacunes. Cette démarche n'a pas été exempte de difficultés, car la plupart des institutions exprimaient des doutes ou étaient réticentes à cette intégration. Malgré les obstacles, j'ai réussi à intégrer une classe ordinaire, puis j'ai poursuivi mes études au gymnase et à l'université de Fribourg, où j'ai obtenu une licence.

Mon parcours de vie reflète les défis auxquels les personnes handicapées comme moi font face sur le plan professionnel. J'ai été confronté à de nombreuses discriminations en raison de ma surdité. Lors de mon premier emploi au sein de l'administration publique, j'ai été engagé en tant que collaborateur scientifique après une année de stage. Cependant, le processus de communication pendant ce recrutement a été difficile et la signature de mon contrat a été retardée malgré mes nombreuses démarches. En découvrant mon salaire mensuel brut de 3'100 francs, soit la moitié du salaire habituel d'un collaborateur scientifique, j'ai dû faire appel à une organisation de défense des droits des personnes handicapées. Le salaire a finalement été ajusté, mais j'ai également subi du harcèlement de la part de mon supérieur direct, ce qui a eu un impact négatif sur ma confiance en moi et mon bien-être.

Mon expérience ne s'arrête malheureusement pas là. Dans un autre emploi, au sein d'une organisation pour les personnes handicapées, j'ai été confronté à des abus et à des pressions injustifiées de la part de la direction et du comité directeur, malgré mes réussites dans le domaine des campagnes et des médias. Mes collègues et moi-même avons courageusement témoigné des situations similaires que nous avions vécues, mettant en évidence le manque de soutien de la part de la direction et du comité directeur. Malgré notre message d'avertissement aux membres de cette organisation pour qu'ils signalent ces problèmes afin de mieux garantir la protection du personnel, rien n'a malheureusement changé.

J'ai également été sujet d'une autre situation discriminatoire au sein d'une organisation chrétienne engagée dans la coopération internationale pour les personnes handicapées. Une supérieure, elle-même handicapée, a engagé deux personnes pour un poste en partageant les activités entre elles. Elle a plus tard préféré une femme non handicapée ayant un contrat à durée déterminée à ma place pour un poste à 80 %, malgré mon contrat à durée indéterminée. Cette femme avait commencé son activité 4 mois avant moi. Elle avait déjà avancé sur les activités importantes, alors que j'étais principalement chargé des tâches moins prioritaires. Cette situation était décevante et inquiétante, d'autant plus que la supérieure a émis des commentaires infondés, agressifs et très négatifs sur mes compétences, malgré mes succès dans cette activité. Le directeur de cette organisation n’a jamais travaillé avec moi et a porté un jugement sur mes compétences sans même me connaître.

Face à ces expériences, j'ai pris la décision de briser le silence qui entoure la discrimination envers les personnes handicapées, en particulier celles qui sont sourdes. Mon implication au sein de la plus grande organisation en faveur des personnes handicapées aurait dû représenter une opportunité pour promouvoir l'inclusion. Malheureusement, j'ai été confronté à une supérieure non handicapée dont l'attitude était froide et fermée à mon égard, rendant ainsi difficile la collaboration avec elle en raison de ma surdité. J'ai signalé ce problème à mes supérieurs dans l'espoir de trouver une solution. Cependant, il y a tout de même eu résiliation de mon contrat sous prétexte de mon "manque d'expérience en tant que personne sourde", ce qui m'a laissé perplexe.

Ces situations m'incitent à agir pour le changement. Je comprends que certaines personnes en situation de handicap choisissent de ne pas s'exprimer par crainte des conséquences. Cependant, il est crucial que nous créions un environnement sûr où chaque voix peut être entendue et où nous pouvons collaborer pour apporter un changement constructif.

Je partage également leurs préoccupations concernant le manque d'attention des médias envers les problèmes auxquels sont confrontées les personnes sourdes. Les barrières de communication que nous rencontrons contribuent à l'ignorance généralisée au sein de notre communauté. J'ai rencontré d'autres personnes sourdes ayant subi des discriminations similaires, mais leurs voix sont souvent étouffées. C'est pourquoi je reste fermement engagé à me présenter comme candidat au Conseil national, afin de défendre les questions liées au handicap et d'encourager un changement tangible.

La loi fédérale sur l'égalité des personnes handicapées est en vigueur depuis 2004, et la Suisse a ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées en 2014. Cependant, les progrès en matière d'accessibilité, d'inclusion et de garantie des droits des personnes handicapées restent encore insuffisants. Par exemple, dans le domaine du marché de l'emploi, qui pose des difficultés à la majorité des personnes handicapées, il n'existe pas de base juridiquement contraignante incitant les employeurs privés à encourager activement l'embauche de personnes handicapées. En plus, des avantages fiscaux pourraient être octroyés aux employeurs favorisant l'embauche de personnes handicapées, complétant ainsi les dépenses de l'assurance-invalidité.

Le récent examen du comité des Nations unies sur les droits des personnes handicapées a souligné les retards de la Suisse dans la garantie de ces droits. La publication du rapport du comité en mars 2022 met en lumière la nécessité de prendre rapidement des mesures concrètes. C'est pourquoi je souhaite me porter candidat au Conseil national. En tant que défenseur des droits des personnes handicapées, nous nous engageons à instaurer un changement au sein de notre société en éradiquant toute forme de discrimination.

Je tire ma force de ces expériences vécues de discrimination fondée sur le handicap, et je puise dans ces épreuves pour œuvrer en faveur des handicapés. Mon engagement ne se limite pas seulement aux droits des personnes handicapées, mais s'étend également aux autres minorités. Ces dernières font face quotidiennement à des barrières injustes dans notre société actuelle, fondées sur le sexe, la culture, la langue, la couleur de peau, l'origine, le handicap, etc. Il est alarmant de constater que l'extrémisme et le populisme politique s'expriment presque partout, ciblant les minorités telles que les LGBTQIA+, les migrants, les personnes en situation de handicap et les femmes.

Nous travaillons ensemble pour construire une société véritablement respectueuse de la dignité de chaque individu, indépendamment de ses caractéristiques personnelles. Nous devons agir pour que la Suisse ne régresse pas en matière de droits humains, mais progresse dans la protection de ces droits afin que personne ne soit laissé pour compte. Pour cela, nous devons œuvrer collectivement en tant que société progressiste pour un avenir où l'inclusion, la diversité et l'égalité sont pleinement honorées. Il est crucial de promouvoir le respect et la compréhension mutuelle afin d'éradiquer l'ignorance, la haine et les préjugés fondés sur les différences. En conclusion, je me porte candidat avec la ferme intention de défendre les droits de tous et de promouvoir un environnement inclusif. J'appelle chacun de vous à me rejoindre dans cette quête d'un avenir meilleur, où chacun pourra s'épanouir pleinement.

Zurück
Zurück

Expérience en tant que candidat sourd dans ma campagne électorale

Weiter
Weiter

Fête nationale : droits humains au coeur du 1er août…